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Résumés des interventions

Séminaire n°1

L’expertise réalisée par le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par P.-Y. VERKINDT, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris1-Panthéon Sorbonne

Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) se sont vus reconnaître le droit  de recourir à un expert lorsqu’ils sont consultés par l’employeur sur des questions entrant dans leur champ de compétences. Ce recours à l’expertise a fait l’objet d’un contentieux abondant aujourd’hui stabilisé s’agissant de l’expertise comptable demandée par le comité d’entreprise, mais en plein expansion pour l’expertise mise en œuvre à la demande du CHSCT. Pour autant, ce contentieux ne saurait occulter le fait que  ces deux  instances de représentation du personnel ont, elles-mêmes et en leur sein, des ressources de connaissances produites par l’expérience des travailleurs et celle de leur représentants. Le recours à un expert extérieur doit donc être combiné avec l’expertise et l’expérience des travailleurs eux-mêmes. C’est ce rapport qui sera interrogé dans la communication.

 

L’appropriation syndicale des expertises « santé-travail » réalisées au sein des instances représentatives du personnel par L. GOUSSARD, Post-doctorante en Sociologie, Université d’ Evry Val d’Essonne, CRESPPA-GTM, Centre Pierre Naville

Cette intervention propose d’examiner la manière dont les militants syndicaux s’approprient les expertises « santé au travail » menées au sein des instances représentatives du personnel. Elle s’appuie sur des enquêtes qualitatives (par entretiens et observations) conduites dans trois entreprises ayant sollicité la conduite d’expertises suite à un risque grave : la survenue d’actes suicidaires pour la première et le développement des plaintes de mal-être au travail pour les deux autres. Cette communication montrera que les expertises constituent un appui pour l’action syndicale : elles permettent de passer de l’accumulation de constats isolés à un point de vue global, d’objectiver les liens entre travail et santé des travailleurs, de mettre en question les explications individualisantes et hygiénistes, d’alimenter, d’asseoir et de légitimer les revendications militantes. Néanmoins, plusieurs éléments font obstacle à la mobilisation syndicale des connaissances produites par les experts. Pour les représentants du personnel, il s’agit d’abord de faire face à la mise en doute, par les employeurs, de la neutralité des experts, de leurs techniques d’enquête et des savoirs qu’ils produisent. Nous verrons que le risque est alors grand de substituer ce débat à celui de la responsabilité de l’employeur en matière de santé au travail. Par ailleurs, nombre de militants ont témoigné de la difficulté à s’approprier un discours savant qui mobilise des outils et catégories d’analyse parfois éloignés de leur propre culture. Enfin, lorsqu’il s’agit de porter le diagnostic des experts dans les conflits et dans les négociations avec l’employeur, la difficulté est aussi de les traduire en revendications concrètes qui abordent de front l’organisation du travail, sans les subsumer sous des revendications salariales.

 

 

 

L’expertise collective multidisciplinaire au service des recommandations pour la prévention des drogues illicites au travail par S. FANTONI, Professeur en médecine du travail, Université Lille Nord de France, CRD&P

L’objet de cet exposé est de montrer comment s’élaborent des recommandations de bonnes pratiques médicales par un groupe de professionnels très divers et à propos d’un sujet dont les niveaux de preuve conditionnent le grade des recommandations selon que la preuve scientifique est établie, présumée ou à un niveau encore moindre.

Dans le cas présenté, une trentaine de personnes (professionnels de santé au travail, addictologues, épidémiologistes, juristes, économistes de la santé, ethnologue, médecins urgentistes, généralistes, représentants des directeurs des ressources humaines, des salariés, des usagers) ont été missionnés pour établir des recommandations sur les substances psychoactives au travail (déterminants, repérage clinique, dépistage, gestion des troubles comportementaux aigus et/ou cognitifs). Ces savoirs d’expériences et diplômés ont pu interagir pour établir des recommandations pratiques à l’usage de tous les médecins et leurs équipes de santé au travail. Aucun des experts de ce groupe choisi pour son expérience n’était « institutionnalisé » dans ce domaine particulier. Cela soulève des questions quant à l’homogénéité des connaissances mais aussi sur le contenu des recommandations finales dans la mesure où les propositions retenues font intervenir d’autres qualités que la connaissance comme la capacité d’imposer son avis dans un groupe où l’avis collectif sera forcément la synthèse d’avis parfois divergents.

 

L’expertise médicale : retour d’exérience par S. MERCIER, Correspondante aux affaires juridiques au CHRU de Lille, et J. DESBORDES, Anésthésiste réanimateur au CHRU de Lille

A venir

 

 

 


Séminaire n°2

L'écriture des professionnels de la PJJ : une expertise éducative à légitimer dans l'espace judiciaire ? par C. MATUSZAK, Chercheure Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse, Université Lille Nord de France, GERIICO

Nous partons d'un dispositif/d'une activité l'écrit professionnel et plus précisément le rapport adressé au magistrat comme espace de légitimité d'un groupe professionnel, ici les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse.

Les difficultés entendues par les professionnels de faire valoir leur expertise sont présentes, elle témoigne d'une difficulté de reconnaissance de ce qu'on pourrait appeler « une expertise éducative » complexe à mettre en scène et à rendre visible dans un contexte d'intervention entre le monde du travail social et éducatif et le monde judiciaire ; dans un contexte de travail pluridisciplinaire où interviennent des expertises reconnues, qui sont celles des psychologues et des assistants sociaux.

Cette expertise éducative se manifeste sur trois scènes : la première concerne la relation avec le jeune et sa familles (entretiens, visites à domiciles...), la deuxième prend forme dans un écrit professionnel qui rend compte du travail et qui propose des orientations à un magistrat, la troisième est le lieu de confrontation du travail éducatif au monde judiciaire, incarné par le magistrat.

 

 

Expertise et conflit d’intérêt, l’exemple des experts du secteur de la santé et de leurs liens avec l’industrie pharmaceutique par L. TILMAN, Doctorante en droit public, Université Lille Nord de France, CRD&P

Depuis de nombreuses années, les liens entre le secteur médical et l’industrie pharmaceutique posent problème. Le législateur a d’ailleurs, a plusieurs reprises, tenté d’encadrer de plus en plus fermement ces relations. Les premières mesures ont concerné les professionnels de santé qui se sont vu interdire, par différentes mesures dites « anti-cadeaux » la possibilité de recevoir, par les laboratoires médicaux, des avantages en nature ou en espèce.

Ces dernières années, ce sont plus particulièrement les relations entre les experts du secteur sanitaire et l’industrie pharmaceutique qui ont été dénoncées et mises à mal. Ainsi, l’affaire très médiatisée du « Médiator » a mis en exergue le manque de transparence dans  les relations entretenues entre les experts du secteur sanitaire, intervenant pour la Haute Autorité de Santé ou, dans le cas du Médiator, pour l’agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé (AFSSAPS ) et les laboratoires pharmaceutiques.

Ainsi, avec la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé dites « loi Bertrand », le législateur a montré sa volonté d’encadrer le risque de conflits d’intérêts pouvant exister entre experts du secteur sanitaire et les industriels pharmaceutiques. Il est donc désormais obligatoire pour un expert intervenant au sein de divers organismes du secteur de la santé de déclarer publiquement, auprès de l’autorité compétente, des liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, qu’il a , ou qu'il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l'autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l'organe consultatif dont il est membre ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs.

Toutefois, face à ce texte strict, il est intéressant de se demander si le législateur n’est pas tombé dans l’excès inverse : la volonté de limiter les conflits d’intérêt entre industrie et experts, afin notamment d’assurer la solidité et la fiabilité de l’avis qui pourrait être rendu par celui-ci, ne risque-t-elle pas d’avoir un effet indésirable, à savoir la diminution du nombre d’experts ? Quelle est la juste mesure entre expertise officielle et relations avec l’industrie ?

 

Quand l’expert montre la lune, le sociologue regarde le doigt : un chercheur embarqué dans un Think tank européen, l’Epode European Network : parole d’expert par Th. ALAM, MCF en Sciences politiques, Université Lille Nord de France, CERAPS UMR 8026

Ma communication vise à réfléchir aux conditions d’hétéronomie/autonomie d’une expertise en sciences sociales dans le cadre d’un think tank et d’un programme de recherche appliquée, financée par la DG Sanco de la Commission européenne et de grands groupes de l’industrie agroalimentaire. En tirant profit des vertus de l’ethnopraxie ou de la participation observante réflexive, je m’intéresserai à la production et aux usages de l’expertise, aux attentes des commanditaires, à la position et aux contraintes de rôles du chercheur embarqué tout comme aux connaissances que peuvent nous apprendre les gaffes et les perturbations induites par le chercheur.

 

Un cas de "boucle étrange" : la mise en offre des projets européens d'aide au développement par Y. BERARD Y., MCF en Sciences politiques à l’UAG, CRPLC UMR 8053

À partir d’une enquête ethnographique menée dans un bureau d’études, cette communication explore et interroge les processus d’expertise associés aux politiques d’aide européenne. Développant l’hypothèse d’une « boucle étrange » – ou comment se déplacer le long de l’échelle d’un système hiérarchique tout en revenant sur ses pas –, j’examine les modalités de réponse à des appels d’offres de projets financés par la Commission européenne en matière d’aide au développement. Ce faisant, je montre quel rôle est confié aux consultants et quelle forme de traduction ceux-ci sont conduits à exercer, sous quelles conditions et avec l’aide de quels instruments.

 

Comment la CJUE concilie l’obligation institutionnelle de garantir la valeur de sa décision et la nécessité juridique et économique de protéger la valeur technique de l’avis d’expertise ? par X. FRESSOZ, Doctorant droit public, Université Lille Nord de France, CRD&P

 

Depuis le Conseil européen de Lisbonne de 2000, l’Union européenne s’attache à réaliser sa transition vers une société fondée sur la connaissance. Dans ce contexte d’évolution technique et technologique permanente, le juge a la possibilité de faire appel à des experts pour l’aider à comprendre la complexité croissante des affaires. Néanmoins, l’avis d’expertise ne doit pas être confondu avec la décision du juge.

Aussi, outre les garanties procédurales de sélection des experts, des critères de légitimité ont été dégagés par la Cour de Justice de l’Union

Européenne visant à garantir l’autorité de la chose jugée. Il convient donc d’analyser comment la Cour concilie l’obligation institutionnelle de garantir la valeur de sa décision et la nécessité juridique et économique de protéger la valeur technique de l’avis d’expertise. Cette analyse est susceptible d’être étendue aux questions relatives à la décision administrative.